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    Traumatismes, abus et maltraitances dans l'enfance.

     

    Maltraitances dans l'enfance

     

    J'aimerai aborder un sujet délicat et compliqué ; celui des traumatismes dans l'enfance. On peut les appeler abus, maltraitance, défaut de surveillance et d'affection, etc. Ces traumatismes sont variés de par leur modes opératoires et vont du simple défaut et manque d'affection jusqu'aux abus les plus sordides. Ils ont tous des conséquences désastreuses sur l'individu et sur la future construction identitaire de ceux qui les subissent. Il existe plusieurs termes pour désigner ces derniers, « victimes », « survivants / survivantes ».

     

    Dès 1950, on s'est rendu compte de l'influence néfaste que pouvait avoir le défaut d'attention et d'affection sur le nourrisson. Durant l'après guerre, il y a eu beaucoup d'orphelins et on les mettait dans des boxes avec peu de personnels pour prendre soin d'eux. L'attention se résumait à de la simple surveillance. Ces nourrissons ont développés, pour la majorité, de forts symptômes déficitaires. C'est ce qui a été appelé plus tard l'hospitalisme. Le nourrisson, en manque d'affection et de stimulation ne se développe pas correctement et souffre de retard dans les différentes sphères de développement.

     

    Les traumatismes dans l'enfance vont laissés leurs empruntes, et plus l'empreinte est précoce, plus elle va influencer la construction identitaire de l'enfant qui est en devenir. Si l'enfant se construit dans un milieu où les réprimandes et les dévalorisations sont courantes, il va en faire sa norme au point de l'intérioriser et de la croire justifiée. C'est sa vision du monde qui va en être perturbée, incluant sa propre vision de lui. Il va ainsi développer des cognitions négatives du type « Je ne mérite pas d'être aimé », « Je ne suis pas à la hauteur », « Je n'ai pas de valeur », « C'est de ma faute si l'on ne m'aime pas (car je ne le mérite pas) »... etc.

     

    Jacques Roques différencie trois types de traumatismes :

     - Traumatisme T : délimité dans le temps. Exemple : accident de voiture.

     - Traumatismes t : sur une longue période. Exemple : dévalorisations répétées d'un professeur durant une année scolaire.

     - Empoisonnement psychique : dès l'enfance et sur une longue période. Exemple : maltraitance, climat incestueux.

     

    La construction des normes, de la personnalité dans un milieu toxique va changer un développement qui aurait pu (du) être normal sans ce cadre, cette ambiance. Ce genre de traumatisme va littéralement empoisonner psychiquement l'enfant, au point de rendre ses réactions « normales » comme anormales dans une référence d'anormalité.

     

    Les thérapies pour les patients ayant vécu ce genre de traumatismes sont souvent assez longue... longue surtout pour trouver le bon thérapeute et pour créer une alliance thérapeutique suffisamment forte pour travailler en profondeur. Il arrive souvent avec ce type de patient de trouver un bon « accordage » puis il se passe un « dés-accordage » et enfin un « ré-accordage ». Tout simplement ce que je souhaite souligner c'est que l'alliance thérapeutique est souvent mise à mal par un traitement difficile pour le patient car cela fait remonter beaucoup de souffrances.

     

    Je finirais cet article en vous faisant partager ce que m'a livrée une patiente en fin de suivie EMDR. Elle m'a donné l'autorisation de transmettre ce qu'elle m'a écrit et je l'en remercie. Elle a 33 ans et son suivi a duré 2 ans. Ceci est un résumé de la richesse des écrits qu'elle m'a confiée.

     

    Au début des séances EMDR, je me posais uniquement en victime (surtout de ma mère). J'estimais que mon état n'était lié qu'au fait que ma mère était extrêmement blessante, méchante, que mon père me couvait trop et ne me prenait pas au sérieux, que mon mari ne m'aidait pas assez. Je me suis aperçue finalement que le déclencheur de la dépression venait de moi, que c'est moi qui avais mis tout cela en place, j'avais décidé que ça n'allait pas bien se passer, j'avais décidé de les faire « payer » en les culpabilisant. Pour autant je suis allée trop loin et je ne pouvais plus arrêter les choses, en plus, plus personne ne me croyait ! Lors des séances EMDR nous avons travaillé des événements du passé proche et qui se sont tous révélés être en lien avec le passé lointain, mon enfance. Plus les séances avançaient dans le temps et plus j'avais de facilités à faire les liens entre les événements du présent ou du passé proche et ceux du passé.

     

    J'ai compris que ma mère avait un comportement « pervers », manipulateur, quuand j'étais enfant elle prenait plaisir à me voir la chercher, à me voir en position de faiblesse, voir de détresse pour, en plus, me faire remarquer ensuite que mon comportement n'était pas normal. J'ai aussi compris qu'elle prenait plaisir à me voir culpabiliser et que c'était un moyen pour elle de garder « le contrôle » sur moi. J'ai compris qu'elle était extrêmement narcissique et manipulatrice et prête à tout pour qu'on lui « appartienne », surtout le mental. J'ai compris que j'étais dans une situation de « sidération » face à elle. J'ai compris pourquoi j'avais tant de mal à prendre une décision, à avoir un avis et à la conserver. J'ai aussi compris qu'elle m'avait infantilisée et que j'étais dans une relation de dépendance à l'autre qui ne me permettait pas d'avoir un autre rôle comme celui d'épouse ou de maman. J'ai réalisé que j'avais peur qu'elle ne m'aime plus.

     

    Au cours des séances d'EMDR, j'étais très en colère, contre tout le monde. Parfois je me « trompais de colère », et la colère dirigée contre ma mère allait vers mon mari. Il m'a été très difficile d'accepter que ma mère était une manipulatrice et que je ne pouvais plus avoir aucune attentes vis-à-vis d'elle. Il m'a été encore plus difficile d'accepter que j'avais parfois moi-même des comportements manipulateurs.

     

    Grâce à la thérapie j'ai pu faire des parallèles entre des situations du présent et celles du passé et mieux comprendre pourquoi j'agis de telle ou telle manière au présent. J'ai réussi à analyser certaines situations du passé, pour les voir sous un jour nouveau et de comprendre pourquoi je ressens telle ou telle chose. Je peux reconnaître les comportements manipulateurs pour m'en protéger. Durant la thérapie, j'ai revécue certaines situations du passé et ressentie les sentiments que j'avais pu éprouver, les pensées que j'avais pu avoir quand j'étais petite. Je peux repenser à ces situations aujourd’hui sans ressentir cette douleur, maintenant je me sens forte et avec une bonne estime de moi.

     


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